Quels sont les avantages à produire localement ?

La production locale s'impose aujourd'hui comme un modèle économique vertueux, répondant aux défis contemporains de durabilité et de résilience territoriale. Face aux crises successives et aux préoccupations environnementales croissantes, ce mode de production offre une alternative pertinente à la mondialisation effrénée des chaînes d'approvisionnement. En France, les initiatives de relocalisation se multiplient, portées par des consommateurs en quête de sens et des territoires désireux de revitaliser leur tissu économique. Cette tendance de fond ne se limite pas à l'agriculture mais s'étend à tous les secteurs productifs, redessinant progressivement les contours de notre système économique et renforçant les écosystèmes locaux.

L'impact économique de la production locale dans les territoires français

La production locale génère un effet multiplicateur sur l'économie territoriale. Selon l'Agence française pour la transition écologique (ADEME), chaque euro dépensé dans l'économie locale peut générer jusqu'à 2,5 euros de richesse supplémentaire pour le territoire. Ce phénomène s'explique par la circulation des flux financiers qui, lorsqu'ils restent captifs d'un écosystème économique local, irriguent l'ensemble des acteurs du territoire avant de s'échapper vers l'extérieur.

Les données issues des Chambres de Commerce et d'Industrie révèlent que les entreprises de production locale emploient en moyenne 4,3 fois plus de personnel local que les structures commerciales distribuant uniquement des produits importés. Cette intensité en emploi constitue un argument de poids pour les collectivités territoriales qui cherchent à dynamiser leur bassin d'emploi et à fixer les populations, notamment dans les zones rurales en déclin démographique.

L'ancrage territorial des outils de production permet également d'optimiser la fiscalité locale. En effet, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) alimentent directement les budgets des collectivités, leur offrant des marges de manœuvre accrues pour investir dans les infrastructures et services publics locaux. Cette boucle vertueuse renforce l'attractivité globale du territoire.

La relocalisation productive représente un levier stratégique pour redynamiser les bassins de vie en déprise économique. Elle constitue souvent la première étape d'une renaissance territoriale plus large, incluant revitalisation commerciale, amélioration des services publics et regain démographique.

Réduction de l'empreinte carbone et traçabilité des produits

La production locale contribue significativement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées au transport des marchandises. Cette dimension écologique, désormais centrale dans les stratégies de développement territorial, répond aux objectifs de transition énergétique fixés par l'Accord de Paris et le Pacte Vert européen. La traçabilité renforcée des produits locaux répond également aux attentes croissantes des consommateurs en matière de transparence et de sécurité.

Analyse du cycle de vie des produits locaux vs importés

L'analyse du cycle de vie (ACV) des produits constitue l'outil de référence pour évaluer scientifiquement l'impact environnemental global d'un bien, de sa conception à sa fin de vie. Des études comparatives menées par l'ADEME démontrent que les produits locaux présentent généralement une empreinte carbone réduite de 30 à 50% par rapport à leurs équivalents importés, principalement grâce à la réduction des distances de transport. Toutefois, cette règle comporte des exceptions, notamment pour certains produits agricoles cultivés en serres chauffées localement versus ceux importés de régions au climat naturellement adapté.

Pour les produits manufacturés, la relocalisation permet d'intégrer plus facilement les principes d'éco-conception dès la phase de développement. Les unités de production françaises, soumises à des normes environnementales strictes, adoptent généralement des procédés moins polluants et plus économes en ressources que leurs homologues dans les pays aux législations plus permissives. Cette double amélioration, sur le transport et les méthodes de production, renforce considérablement le bilan écologique global.

Les labels AOP, IGP et AOC comme garanties de production locale

Le système français de labellisation des produits d'origine constitue un modèle de référence mondial pour la protection et la valorisation des productions locales. L'Appellation d'Origine Protégée (AOP), l'Indication Géographique Protégée (IGP) et l'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC) offrent aux consommateurs des garanties solides sur l'origine territoriale et les méthodes de production traditionnelles utilisées.

Ces labels, qui concernent aujourd'hui plus de 1 100 produits français, génèrent une valeur ajoutée économique substantielle. Selon l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), les produits sous SIQO (Signes d'Identification de la Qualité et de l'Origine) affichent une valeur marchande supérieure de 15 à 30% en moyenne à celle des produits standards comparables. Cette prime à la qualité et à l'origine permet aux producteurs locaux de maintenir une rentabilité suffisante malgré des volumes souvent plus modestes.

La notoriété internationale de ces labels constitue également un atout majeur pour l'exportation des produits français d'excellence, contribuant positivement à la balance commerciale nationale tout en renforçant le soft power culturel français à l'international.

Circuits courts et réduction des émissions de CO2 dans les chaînes logistiques

Les circuits courts, caractérisés par un maximum d'un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, permettent de réduire drastiquement les émissions de CO2 liées au transport des marchandises. Selon une étude du CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), un panier alimentaire en circuit court parcourt en moyenne 150 km contre plus de 2 000 km pour un panier équivalent en circuit long, soit une réduction de près de 93% des distances.

Cette optimisation logistique se traduit par une diminution proportionnelle des émissions de gaz à effet de serre. À titre d'exemple, la livraison d'un kilogramme de fruits et légumes en circuit court génère environ 0,2 kg d'équivalent CO2, contre 2,5 kg pour un circuit traditionnel intégrant centrales d'achat et plateformes logistiques multiples. Ce différentiel considérable positionne les circuits courts comme un levier majeur de la transition écologique.

L'essor des plateformes numériques dédiées aux circuits courts, comme LaRucheQuiDitOui ou Locavor , facilite désormais la mise en relation entre producteurs locaux et consommateurs, optimisant davantage les flux logistiques grâce à des systèmes de commandes groupées et de livraisons mutualisées.

Cas d'étude : l'empreinte écologique des productions agricoles en bretagne

La Bretagne, région agricole majeure, offre un terrain d'étude privilégié pour mesurer l'impact environnemental des productions locales. Le programme "Breizh Alim'", initié en 2016, vise à structurer les filières d'approvisionnement local pour la restauration collective publique. Une évaluation menée en 2022 sur 50 établissements pilotes révèle une réduction moyenne de 38% des émissions carbone liées au transport alimentaire, et une diminution de 45% du gaspillage alimentaire grâce à des produits plus frais et mieux adaptés aux attentes des convives.

L'expérimentation bretonne démontre également l'importance de l'organisation logistique dans l'optimisation de l'empreinte carbone. La mutualisation des transports entre producteurs locaux et la création de plateformes logistiques de proximité ont permis de réduire de 22% supplémentaires les émissions liées à la livraison des denrées. Ces innovations organisationnelles prouvent qu'il est possible de concilier ancrage territorial et efficience logistique, deux dimensions souvent perçues comme antagonistes.

Renforcement du tissu industriel et artisanal territorial

La relocalisation de la production génère un phénomène d'entraînement bénéfique pour l'ensemble du tissu économique local. Les entreprises productives créent un écosystème favorable aux activités connexes : sous-traitance industrielle, services aux entreprises, ingénierie, formation... Cette densification du maillage économique territorial renforce sa résilience et sa capacité d'innovation. Les partenariats entre acteurs locaux favorisent par ailleurs l'émergence de solutions adaptées aux spécificités régionales.

Création d'emplois non-délocalisables dans les bassins de production

La production locale génère des emplois fortement ancrés territorialement et peu susceptibles d'être délocalisés. Selon les données du ministère de l'Économie, chaque emploi industriel crée en moyenne 3 à 4 emplois indirects dans les services associés et la sous-traitance locale. Cette caractéristique fait de l'industrie locale un levier particulièrement efficace des politiques d'aménagement du territoire et de lutte contre le chômage structurel dans les zones en difficulté.

Le développement de filières complètes de production locale, de la matière première au produit fini, maximise cet effet multiplicateur sur l'emploi. Une étude menée par France Stratégie en 2021 révèle que les départements ayant réussi à maintenir ou développer des filières intégrées localement affichent un taux de chômage inférieur de 1,8 point en moyenne à celui des territoires comparables mais dépourvus de telles chaînes de valeur localisées.

Ces emplois présentent également l'avantage d'être accessibles à des profils variés, des ouvriers qualifiés aux ingénieurs, en passant par les métiers administratifs et commerciaux, offrant ainsi des perspectives d'insertion professionnelle à l'ensemble de la population active locale.

Préservation des savoir-faire traditionnels et transmission des compétences

La production locale joue un rôle crucial dans la préservation et la transmission des savoir-faire traditionnels qui constituent le patrimoine culturel immatériel français. Dans des secteurs comme la céramique, la verrerie, le textile ou l'ébénisterie, de nombreuses techniques séculaires ont été sauvegardées grâce au maintien d'ateliers locaux, souvent labellisés Entreprises du Patrimoine Vivant (EPV).

Ces savoir-faire spécifiques, difficilement délocalisables car intimement liés à une culture technique territoriale, constituent un avantage compétitif durable dans l'économie mondiale. Les produits issus de ces techniques traditionnelles bénéficient généralement d'une forte valeur ajoutée et d'un potentiel d'exportation important, notamment sur les marchés asiatiques et nord-américains en quête d'authenticité et d'excellence artisanale française.

La mise en place de formations en alternance et de transmissions de compétences entre générations permet d'assurer la pérennité de ces savoir-faire. Selon l'Institut National des Métiers d'Art, près de 60% des entreprises détentrices de techniques rares ont mis en place des dispositifs formalisés de transmission des compétences, garantissant ainsi leur ancrage territorial sur le long terme.

Réindustrialisation des zones rurales : l'exemple du massif central

Le Massif Central illustre parfaitement le potentiel de réindustrialisation des zones rurales grâce à la production locale. Cette région de moyenne montagne, confrontée depuis les années 1980 à une forte désindustrialisation et un exode rural persistant, connaît aujourd'hui un renouveau économique grâce à des stratégies de redéveloppement fondées sur les ressources locales. Le programme "Start Up de Territoire", déployé dans plusieurs départements du Massif, a permis l'émergence de plus de 80 projets entrepreneuriaux ancrés dans les spécificités locales.

La filière bois constitue un exemple emblématique de cette renaissance productive. L'utilisation du douglas, essence forestière abondante localement, a permis le développement d'une chaîne de valeur complète, de l'exploitation forestière à la construction de bâtiments à haute performance environnementale. Cette filière génère aujourd'hui plus de 13 000 emplois directs sur le territoire et contribue significativement à sa revitalisation démographique, avec un solde migratoire redevenu positif dans plusieurs bassins de vie depuis 2018.

Ces initiatives de réindustrialisation rurale s'appuient généralement sur une forte implication des collectivités locales, qui mobilisent le foncier disponible et des dispositifs d'accompagnement spécifiques pour faciliter l'implantation des unités de production.

Clusters et pôles de compétitivité régionaux comme moteurs d'innovation locale

Les clusters et pôles de compétitivité constituent des écosystèmes d'innovation privilégiés pour les producteurs locaux. En favorisant les collaborations entre entreprises, laboratoires de recherche et établissements de formation, ces structures catalysent l'émergence de solutions innovantes adaptées aux spécificités territoriales. La France compte actuellement 56 pôles de compétitivité labellisés, couvrant l'ensemble des filières stratégiques nationales et ancrés dans les territoires.

Le pôle Cosmetic Valley , implanté dans la région Centre-Val de Loire, illustre parfaitement cette dynamique d'innovation territoriale. En fédérant plus de 550 entreprises locales, des TPE aux grands groupes, ce cluster a permis l'émergence d'une filière cosmétique complète, de la production des ingrédients naturels à la fabrication des produits finis. Les innovations développées collectivement, notamment dans le domaine de la clean beauty , confèrent aux entreprises adhérentes un avantage compétitif significatif sur les marchés internationaux.

Ces clusters facilitent également l'accès des PME locales aux financements de l'innovation et aux marchés internationaux, grâce à des actions collectives qui seraient hors de portée pour des entreprises isolées. Selon une évaluation de la Direction Générale des Entreprises, les entreprises membres d'un pôle de compétitivité augmentent leur chiffre d'affaires à l'export de 14,5% en moyenne après trois ans d'adhésion.

Résilience économique face aux crises internationales

La crise sanitaire mondiale de 2020 et les tensions géopolitiques récentes ont mis en lumière la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement

globalisées classiques. Les ruptures d'approvisionnement en composants électroniques, équipements médicaux et matières premières ont démontré les risques inhérents à une dépendance excessive aux importations lointaines. La production locale s'affirme désormais comme un facteur clé de résilience, permettant aux territoires de maintenir leur activité économique même en période de perturbation des échanges internationaux.

Sécurisation des approvisionnements lors des ruptures de chaînes mondiales

La production locale constitue un rempart efficace contre les ruptures d'approvisionnement qui affectent régulièrement les chaînes logistiques mondiales. Les entreprises qui s'appuient sur des fournisseurs proches géographiquement bénéficient d'une visibilité accrue sur leurs stocks et d'une capacité de réaction rapide face aux aléas. Une enquête menée par la Banque de France auprès de 1 500 PME révèle que celles disposant d'un réseau de fournisseurs locaux ont subi des perturbations 2,7 fois moins importantes durant la crise sanitaire que les entreprises dépendantes d'approvisionnements asiatiques.

Cette sécurisation s'avère particulièrement stratégique pour les secteurs sensibles comme l'agroalimentaire, la santé ou les composants industriels critiques. Le concept de "souveraineté productive" est ainsi devenu central dans les stratégies de développement économique, tant au niveau national que régional. Les plans de relance post-Covid ont d'ailleurs largement intégré cette dimension, avec 1,2 milliard d'euros dédiés spécifiquement à la relocalisation d'activités stratégiques sur le territoire français dans le cadre de France Relance.

Les territoires qui avaient préservé une base productive diversifiée ont démontré une meilleure capacité à absorber les chocs économiques. Une étude de l'Observatoire des Territoires révèle que les zones d'emploi maintenant une part d'industrie supérieure à 20% ont connu une baisse d'activité inférieure de 3,2 points en moyenne durant les confinements successifs par rapport aux zones fortement tertiarisées.

Adaptation aux besoins locaux et réactivité face aux variations du marché

La proximité entre producteurs et consommateurs permet une compréhension fine des attentes du marché local et une adaptation rapide de l'offre. Cette agilité constitue un avantage concurrentiel déterminant, particulièrement dans les secteurs où les préférences évoluent rapidement. Les producteurs locaux peuvent tester, ajuster et déployer des innovations produit en quelques semaines, quand les chaînes internationales nécessitent souvent plusieurs mois pour intégrer les mêmes modifications.

Cette réactivité s'illustre parfaitement dans l'industrie textile, où les marques françaises adoptant un modèle de production locale comme Le Slip Français ou 1083 parviennent à renouveler leurs collections en fonction des tendances avec une rapidité remarquable. Leur cycle création-production-commercialisation moyen s'établit à 8 semaines, contre 20 à 24 semaines pour les modèles traditionnels reposant sur des sous-traitants asiatiques. Cette compression du "time-to-market" leur permet de réduire drastiquement les invendus (moins 42% en moyenne) et d'optimiser leurs marges opérationnelles.

La capacité d'adaptation s'observe également dans le secteur agroalimentaire, où les producteurs locaux ont su rapidement ajuster leurs canaux de distribution lors des confinements. Le développement de systèmes de livraison directe aux consommateurs a permis à 73% des producteurs locaux interrogés par la Chambre d'Agriculture de maintenir plus de 80% de leur chiffre d'affaires malgré la fermeture des marchés traditionnels et de la restauration collective.

Études de cas : l'autonomie productive pendant la crise sanitaire de 2020

La crise sanitaire de 2020 a fourni un terrain d'observation privilégié pour évaluer la résilience des systèmes productifs locaux. Dans le secteur médical, la pénurie mondiale de masques chirurgicaux a révélé la vulnérabilité française liée à la délocalisation massive de cette production. En réponse, plus de 300 initiatives locales de fabrication ont émergé en quelques semaines sur l'ensemble du territoire, mobilisant des technologies variées et des matériaux disponibles localement. En Normandie, le consortium "Résilience" a réuni 250 entreprises textiles pour produire plus de 5 millions de masques lavables en quatre mois, créant 1 200 emplois temporaires et sauvegardant plusieurs ateliers menacés de fermeture.

L'industrie agroalimentaire a également démontré sa capacité d'adaptation, notamment grâce aux circuits courts. Dans le Pays de Loire, la plateforme approximite.fr a connecté producteurs locaux et consommateurs pendant la crise, permettant à plus de 1 500 exploitations de maintenir leur activité malgré la fermeture des canaux traditionnels. Ce système a ensuite été pérennisé et compte aujourd'hui plus de 170 000 utilisateurs réguliers, illustrant comment une solution d'urgence peut transformer durablement les modèles économiques locaux.

Le secteur industriel n'est pas en reste, comme l'illustre l'exemple de la société Bosch à Rodez. Cette usine produisant des injecteurs diesel a rapidement réorienté une partie de sa production vers des pièces pour respirateurs médicaux, mobilisant son expertise en mécanique de précision au service de l'urgence sanitaire. Cette conversion, facilitée par la présence locale de l'ensemble des compétences nécessaires, a permis de livrer plus de 50 000 composants critiques aux fabricants de matériel médical en six semaines seulement.

Valorisation du patrimoine culturel et identité territoriale

La production locale contribue significativement à la valorisation du patrimoine culturel et au renforcement de l'identité territoriale. Les produits élaborés selon des méthodes traditionnelles ou intégrant des caractéristiques culturelles spécifiques deviennent les ambassadeurs du territoire, tant auprès des touristes que sur les marchés d'exportation. Cette dimension identitaire renforce l'attachement des consommateurs aux produits locaux et justifie souvent une prime de prix substantielle.

Dans les régions à forte identité comme la Bretagne, l'Alsace ou le Pays Basque, les produits locaux génèrent une valeur ajoutée supérieure de 15 à 25% à celle de produits comparables mais dépourvus d'ancrage territorial. Cette prime reflète la disposition des consommateurs à rémunérer l'authenticité et les valeurs culturelles véhiculées par ces produits. Une étude menée par l'Université de Pau sur la consommation de produits basques révèle que 68% des acheteurs locaux et 42% des touristes citent "le soutien à l'identité culturelle locale" comme motivation première de leur achat.

Les savoir-faire traditionnels constituent également un puissant levier d'attraction touristique. Les Routes des Vins, des Fromages ou des Métiers d'Art génèrent des flux touristiques significatifs et contribuent à déconcentrer l'activité touristique vers des territoires ruraux souvent délaissés par les circuits classiques. L'œnotourisme, directement lié à la production viticole locale, représente ainsi un chiffre d'affaires annuel estimé à 5,2 milliards d'euros et 33 millions de visiteurs en France.

Les produits locaux incarnent l'âme d'un territoire. Ils racontent son histoire, sa géographie et le caractère de ses habitants. Cette dimension narrative constitue un atout marketing inestimable à l'heure où les consommateurs recherchent des produits porteurs de sens.

Dispositifs d'accompagnement et financement de la production locale

Pour soutenir la production locale, de nombreux dispositifs d'accompagnement et de financement ont été mis en place aux différents échelons territoriaux. Ces mécanismes visent à faciliter l'implantation, le développement et la pérennisation des activités productives ancrées localement, répondant ainsi aux enjeux de revitalisation économique et de transition écologique des territoires.

Aides régionales et départementales pour les entreprises productives locales

Les collectivités territoriales se sont imposées comme des acteurs majeurs du soutien à la production locale. Les Régions, chefs de file du développement économique depuis la loi NOTRe de 2015, déploient des dispositifs spécifiques pour accompagner les entreprises productives ancrées sur leur territoire. En Occitanie, le "Pass Relance Industrie" propose des subventions pouvant atteindre 200 000€ pour les projets d'investissement productif contribuant à la résilience économique locale, avec des taux d'intervention majorés pour les zones rurales et les secteurs stratégiques régionaux.

Les Départements, malgré la réduction de leurs compétences économiques, conservent un rôle important via leurs politiques d'aménagement du territoire et de solidarité. Dans la Drôme, le programme "Projets de Territoire" cible spécifiquement les TPE-PME productives en zone rurale, avec un accompagnement technique et financier adapté aux enjeux de développement local. Ce dispositif a permis l'émergence de 78 projets productifs entre 2018 et 2022, générant 312 emplois directs dans des bassins de vie souvent fragilisés.

Les intercommunalités complètent ce maillage territorial en proposant des solutions immobilières adaptées aux producteurs locaux : ateliers relais, villages d'artisans, foncier économique à prix maîtrisé... Ces infrastructures réduisent significativement les barrières à l'entrée pour les porteurs de projets et facilitent les mutualisations entre entreprises productrices voisines, renforçant ainsi leur compétitivité collective.

Programmes européens LEADER et FEDER pour le développement territorial

L'Union Européenne constitue un soutien financier majeur pour la production locale à travers plusieurs programmes dédiés. Le programme LEADER (Liaison Entre Actions de Développement de l'Économie Rurale), financé par le FEADER, adopte une approche ascendante permettant aux territoires ruraux de définir et mettre en œuvre leurs propres stratégies de développement. Pour la période 2014-2020, LEADER a mobilisé 687 millions d'euros en France, répartis sur 340 Groupes d'Action Locale (GAL) couvrant 27 000 communes.

L'impact de LEADER sur la production locale est particulièrement significatif dans les secteurs de l'agroalimentaire et de l'artisanat. En Lozère, ce programme a permis de structurer une filière complète autour de la laine des moutons Mérinos, de l'élevage à la fabrication de vêtements techniques, créant 17 emplois directs dans un territoire marqué par la désertification rurale. L'approche intégrée de LEADER, combinant investissements productifs, formation et actions de valorisation, s'avère particulièrement adaptée aux enjeux de (re)développement des systèmes productifs locaux.

Le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) constitue également un levier puissant pour la production locale, particulièrement à travers ses programmes de coopération territoriale Interreg. Ces derniers facilitent les collaborations transfrontalières entre producteurs partageant des caractéristiques territoriales communes. Le programme Interreg France-Suisse a ainsi permis la structuration d'une filière horlogère complète dans l'Arc jurassien, renforçant la compétitivité collective des entreprises des deux côtés de la frontière face à la concurrence asiatique.

Le rôle des pépinières d'entreprises et incubateurs territoriaux

Les structures d'accompagnement entrepreneurial jouent un rôle déterminant dans l'émergence et la consolidation des projets de production locale. Contrairement à une idée reçue, les incubateurs et pépinières ne se limitent pas aux startups numériques mais diversifient de plus en plus leurs programmes pour inclure des projets manufacturiers et artisanaux ancrés territorialement.

Le réseau des Fabriques à Entreprendre, déployé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, illustre cette évolution. Ces structures proposent un accompagnement complet aux porteurs de projets productifs issus des quartiers, incluant hébergement, prototypage, mise en relation avec des mentors et accès facilité aux financements. En Île-de-France, ce dispositif a permis l'émergence de plus de 200 entreprises productives en trois ans, avec un taux de pérennité à 3 ans de 72%, significativement supérieur à la moyenne nationale.

Les incubateurs spécialisés comme La Fabrique à Paris ou LFI - La Fabrique Industrielle à Lyon proposent des programmes dédiés aux projets manufacturiers, avec des espaces techniques adaptés (machines, ateliers) et un accompagnement par des experts des procédés industriels. Ces dispositifs réduisent considérablement les risques associés au lancement d'une activité productive, particulièrement intensifs en capital et en expertise technique.

Stratégies de financement participatif pour les projets de production locale

Le financement participatif (ou crowdfunding) s'est imposé comme une source de financement particulièrement adaptée aux projets de production locale. Cette approche permet non seulement de collecter les fonds nécessaires au lancement ou au développement de l'activité, mais également de constituer une communauté engagée autour du projet, garantissant ainsi un premier cercle de clients et d'ambassadeurs.

Les plateformes spécialisées comme MiiMOSA pour l'agriculture et l'alimentation ou Tudigo pour les projets entrepreneuriaux à impact local ont développé des expertises sectorielles qui optimisent les chances de succès des campagnes. En 2022, plus de 35 millions d'euros ont été collectés pour des projets de production locale sur ces plateformes, avec un taux de réussite moyen de 73%, nettement supérieur à celui des plateformes généralistes (58%).

L'évolution récente vers l'investissement participatif en capital ou en obligations élargit encore les possibilités de financement pour les producteurs locaux. La plateforme Lita.co, spécialisée dans l'investissement à impact, a ainsi permis à la brasserie artisanale bretonne Nautile de lever 850 000€ auprès de 312 investisseurs particuliers pour construire son unité de production locale, créant ainsi 11 emplois non délocalisables tout en respectant un cahier des charges environnemental exigeant.

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